COMMENT ÉRADIQUER LA PAUVRETÉ URBAINE ENDÉMIQUE ET DONNER DES EMPLOIS DE MASSE AUX JEUNES APRES LA CRISE SANITAIRE EN AFRIQUE ?
« Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise ». Winston Churchill
LA COVID-19 ; UNE CRISE URBAINE
De plus en plus les problèmes du monde sont des problèmes urbains (attentats djihadistes, racisme, changements climatiques, etc.). Aussi en est-il de la COVID-19 qui est une crise éminemment urbaine qui se déroule dans un monde de plus en plus urbanisé. Depuis sa concentration initiale à Wuhan, en Chine, l’épidémie s’est transformée en pandémie alors que le virus se propageait par avion à travers le vaste réseau de villes interconnectées à l’échelle mondiale Il s’est ensuite propagé par les transports publics depuis les centres économiques et financiers via les quartiers riches, cosmopolites et mondialisés jusqu’aux quartiers et périphéries les plus pauvres des villes. Pour casser la chaîne de propagation du Covid-19, les autorités publiques ont interdit toute entrée dans la plupart des grandes villes, isolant ainsi les métropoles épicentres de la pandémie, des autres régions des pays et du reste du monde, les frontières terrestres, maritimes et aériennes des pays étant fermées. Ces mesures d’isolement et de distanciation sociale dont le confinement, ont mis en évidence et approfondi les inégalités présentes dans les centres urbains du monde entier. En effet, les déficits du stock de logements décents et de profondes fractures numériques se sont manifestés dans les villes de tous les continents.
DES SOLUTIONS URBAINES
La viralité du Covid s’est glissée dans la formidable vascularisation de la planète, à toutes les échelles, sur tous les modes et dans tous les lieux de transport ; avions, aéroports, gares, trains, bus, marche, etc., irriguant toutes les concentrations humaines, disséminant une infinité de fronts d’infection. L’intensité des réseaux de transport s’est retournée contre la société. L’immobilité s’est imposée comme son verrou (Bruno Marzloff).
Cette immobilité contrainte s’est matérialisée par la prise de mesures de confinement, de télétravail ou démobilité, de distanciation physique, de mise en quarantaine des malades, de suspension des activés jugées non essentielles et le port obligatoire de masques dans les transports et les espaces publics. Dans de nombreuses villes, des alliances nouvelles avec la société civile, le secteur privé et la science ont permis aux pouvoirs publics de gérer l’urgence sanitaire d’une manière qu’ils n’auraient pas pu faire seuls, ou du moins pas avec la vitesse et l’efficacité nécessaires. Ces initiatives vont des réseaux de solidarité soutenant les personnes vulnérables et la communauté innovante de «décideurs» partageant des conceptions pour produire des équipements de santé et de protection sur des imprimantes 3D, ou la fabrication de masques grand public, etc.
Mais, la perturbation de la mobilité qui est le sang vital du développement économique et social e la planète a des impacts négatifs sur la croissance des économies, provoquée la perte de nombreux emplois et augmentée le taux de pauvreté. Le 8 juillet 2020, la Banque africaine de développement s’inquiète dans un rapport publié ce jour, des conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus qui pourraient faire basculer 50 millions de personnes dans l’extrême pauvreté.
Cette crise permet de lancer une véritable réflexion sur l’orientation à donner aux économies africaines pendant et surtout après la crise sanitaire. Ainsi, le 07 juillet 2020 dans son allocution à l’occasion de la journée de l’intégration africaine, le président Mahamadou Issoufou pense que la pandémie du Covid-19 doit être une occasion supplémentaire de réfléchir à la façon dont l’Afrique accélérera sa transformation économique dans la droite ligne des objectifs de l’agenda 2063. Nous pensons que des investissements publics dans la reprise doivent être prévus pour créer une «nouvelle norme» pour les économies des villes, basée sur l’élimination de la pollution et de la pauvreté, l’amélioration de la santé publique et l’augmentation de la résilience aux chocs.
Ces politiques de relance doivent tenir compte des conséquences de la pandémie dans les pays développés où le processus de mondialisation est de plus en plus contesté, et où de nouveaux arguments sont mobilisés pour une relocalisation partielle de la production industrielle, diminuant ainsi les flux d’IDE vers le continent.
Selon les experts, l’Afrique abrite des millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté et sans emplois décents en raison de la lenteur de l’industrialisation. En effet, l’industrialisation est une clé de la réduction de la pauvreté en Afrique car elle est capable de créer des emplois décents pour une population jeune. En Chine par exemple, l’industrialisation a permis au pays de voir le nombre d’habitants ruraux démunis passer de près de 770 millions fin 1978 à 5,51 millions fin 2019, la proportion de personnes pauvres est passée de 97,5 % à 0,6 % au cours de cette période, un pays considéré comme « l’usine du monde ».
La croissance économique de l’Afrique est principalement due à l’agriculture qui n’est pas soutenue par une transformation structurelle dynamique caractérisée par des industries, une raison pour laquelle l’Afrique est appauvrie.
L’urbanisation est généralement une très bonne chose pour les industriels, car elle est associée à l’industrialisation. Mais en Afrique, de nombreuses personnes vivent véritablement dans des bidonvilles, ils n’ont donc pas d’argent à dépenser. La taille de la population de la classe moyenne augmente très lentement faute d’emplois modernes et à haute productivité, aux salaires élevés. Au contraire, l’Organisation Internationale du Travail (OIT), révèle en 2018, que 76 % des emplois en Afrique ne se soumettent à aucune législation nationale, ne font l’objet d’aucune imposition sur le revenu et ne font l’objet d’aucune protection sociale ; ils relèvent du secteur informel.
La priorité des politiques de relance post-covid doivent donc être dirigées majoritairement vers les investissements créateurs d’emplois décents. Et c’est aux politiques de fixer le cap.
RENFORCER L’INDUSTRIALISATION DE L’AFRIQUE
Avec une population jeune et en cours d’urbanisation, des ressources naturelles abondantes et une classe moyenne grandissante, l’Afrique semble disposer de tous les ingrédients nécessaires à une croissance exceptionnelle, surpassant peut-être même ceux que l’on appelait les « tigres » de l’Asie de l’Est une génération plus tôt. Un certain nombre de grandes entreprises ont récemment quitté le continent, leurs dirigeants étant découragés par les mêmes obstacles que ceux auxquels les investisseurs potentiels s’étaient trouvés confrontés pendant des années : une corruption largement répandue, un manque d’infrastructures et de talents disponibles, et un marché de consommateurs sous-développé (Harvard Business Revue, 2017).
Ces obstacles qui entravent le développement de l’industrie en Afrique sont connus depuis longtemps et beaucoup d’efforts, qui doivent être renforcés, sont en cours pour résoudre ces problèmes.
Amélioration de l’environnement des affaires. Selon la Banque Mondiale, l’Afrique subsaharienne est globalement la région la plus représentée dans le classement 2018 des pays les plus réformateurs, avec trois pays placés dans le top 10 mondial : le Malawi, le Nigéria et la Zambie. Toutefois, selon Transparency International, en 2019, l’Afrique subsaharienne est la région la moins bien classée sur l’Indice de Perception de la Corruption (IPC), avec une moyenne de 32, et sa performance dresse un sombre tableau de l’inaction contre la corruption.
Développent des Infrastructures. Le manque d’infrastructures indispensables au développement des activités industrielles telles que de l’électricité abordable, sûre et disponible, des infrastructures et services de transport abondantes et en bon état, des infrastructures et services de télécommunication accessible au plus grand nombre, des zones industrielles bien connectées à des logements sociaux décents pour les ouvriers, etc. est la cause première de la stagnation de l’industrialisation en Afrique. De nombreuses initiatives inédites sont en expérimentation à travers tout le continent pour apporter des solutions à ce problème. L’implication des hommes d’affaires privés africains dans la transformation des produits pétroliers en Afrique avec les investissement de ALIKO DANGOTE au Nigéria, qui est en train de construire la première raffinerie privé et la plus grande du monde dans son pays, sont le signe d’une grande diversification et la recherche de sources de financement novatrices. Le secteur des infrastructures pourrait ainsi être ouvert aux investissements de la diaspora devant la faiblesse des IDE en direction de l’Afrique et de sa probable diminution avec les conséquences du COVID-19. Toutefois, les investissements massifs dans les énergies renouvelables et les infrastructures durables doivent être encouragés pour respecter un processus de développement conforme aux ODD.
Le développement des talents. Si les industries légères n’ont pas besoins d’une main-d’œuvre très bien formés et que l’expérience professionnelle peut être assimilée à une forme de formation, le problème de l’adéquation formation emploi est un problème réel. De plus, des secteurs d’activités comme les TIC, etc. ont besoin d’une main-d’œuvre très spécialisé et très bien formée.
Le développement de la classe moyenne et du marché de consommation. La classe moyenne est liée au développement des entreprises multinationales ou exportatrices qui peuvent offrir de meilleurs salaires que les entreprises dont le marché est local. La taille de cette population dépend donc du développement des entreprises exportatrices créées par les IDE opérant dans le secteur des industries non extractives. Le développement de la classe moyenne entraine automatiquement le développement des entreprises telles les restaurants, l’immobilier, les salons de coiffures, les cinémas, les entreprises de loisirs et du divertissement, etc., ds entreprises qui ne desservent que le marché local.
La création d’emplois pour les jeunes se posera avec plus d’importance après la crise sanitaire en Afrique. L’industrialisation est une des solutions majeures pour ce faire. Pour y arriver, il faut un engagement plus agressif des Etats, mais aussi une implication plus importante du secteur privé local. Des plateformes existent qui tentent de fédérer les organisations des entreprises privés nationales et tous les acteurs du secteur tel L’AFRICA CEO FORUM ainsi que la diaspora.
« LES INDUSTRIES SANS CHEMINÉES » SUIVRE CES NOUVEAUX SECTEURS ET SURTOUT LES MOINS IMPACTES PAR LA PANDÉMIE DU COVID-19
La transformation structurelle, qui historiquement a pris la forme, dans la plupart des pays aujourd’hui développés, d’un transfert de ressources du secteur primaire au secteur secondaire, puis tertiaire, semble, en Afrique, avoir « contourné » le secteur secondaire. Les économistes considèrent depuis longtemps que les changements structurels, à savoir le passage des travailleurs d’un emploi à faible productivité à un emploi à haute productivité, comme étant indispensable à la croissance dans les pays à faibles revenus. Néanmoins, la structure économique de l’Afrique avait jusqu’à récemment très peu changé, et ce phénomène inquiétait tant les décideurs politiques que les analystes. Le tournant de l’industrie manufacturière est donc mal engagé sur le continent. Mais ce retard peut être rattrapé grâce au développement d’autres secteurs, que les chercheurs de Brookings appellent « les industries sans cheminées ». Des secteurs qui partagent les mêmes caractéristiques que le secteur manufacturier, comme le fait d’être commercialisable, d’employer une main-d’œuvre peu ou moyennement qualifiée, ou d’être ouvert au changement technologique et à l’innovation. « L’agro-industrie, l’horticulture, le tourisme, les services aux entreprises, le commerce de transit et certains services basés sur les technologies de l’information et des communications (TIC) » constituent d’après l’Institut mondial pour la recherche en économie du développement de l’Université des Nations unies (UNU-WIDER), une alternative réaliste. À terme, ces industries pourraient même jouer le même rôle dans la transformation structurelle de l’Afrique que celui du secteur manufacturier en Asie du Sud-Est.
De tous ces secteurs ci-dessus cités, seuls les services de TIC ont fait mieux que résister à la crise sanitaire, ils ont prospérés pendant le confinement et ont permis la poursuite d’une ’activité économique de survie dans le respect des mesures barrières et de la distanciation physique. Ils ont facilité et assuré la continuité de l’activité par :
- Le télétravail ou le travail à domicile, est une modalité de travail dans laquelle un travailleur accomplit l’essentiel des responsabilités incombant à son poste tout en restant chez lui, en utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC) ;
- La télémédecine en Afrique), la télémédecine en Afrique a été accéléré par le Covid-19, le développement d’application, informatif et d’autodiagnostic s’est généralisé. Trois cas d’usage sont identifiés pour faire face à la covid-19 ; la téléconsultation de médecine générale intra-hospitalière, la téléconsultation spécialisée pour les patients atteints de maladies chroniques ou pour la surveillance des femmes enceintes et la téléexpertise synchrone par vidéotransmission entre les différents centres hospitaliers ;
- L’éducation à distance, la continuité de l’apprentissage des élèves dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19 est assurée par l’apprentissage en ligne où les élèves ont accès à des ordinateurs à domicile et à une connexion Internet suffisante, mais aussi par la télévision et la radio ;
- Le commerce électronique, en Afrique, le coronavirus a fait les affaires des plates-formes de livraison à domicile qui permet d’éviter les contacts et les queues du moins pour les membres de la classe moyenne.
En permettant aux gouvernements de continuer à fonctionner et à de nombreuses personnes de travailler à domicile et de communiquer avec leurs proches, ainsi qu’en gardant les canaux de communication ouverts, le secteur des TIC prouve qu’il est un outil primordial dans le cadre de la lutte contre la pandémie.
Ainsi, la pandémie du Covid-19 a révélé toute l’importance que revêtent les TIC. Toutefois, l’Afrique dépend encore des grands hébergeurs (Amazon, Alibaba, Microsoft, etc.) internationaux pour ses sites et plateformes ce qui pose avec acuité le problème de la protection des données personnelles mais aussi promouvoir le haut débit qui doit être considéré comme un service public, construire des routes et des réseaux de distribution pour le e-commerce, etc.
ADOPTER L’INNOVATION DE RUPTURE UNE CLÉ POUR SORTIR LES NATIONS DE LA PAUVRETÉ
Promue par Clayton Christensen, professeur à Harvard Business School, l’innovation de rupture est une innovation permet de transformer les produits compliqués, coûteux et peu accessibles, en produits simples pour le plus grand nombre. Alors que les produits des entreprises classiques visent les consommateurs de la classe moyenne jugés rentables, les produits issus de l’innovation de rupture s’adressent aussi aux consommateurs pauvres sur le marché baptisé « Niveau 4 » qui constitue la base la plu large de la pyramide, des produits qui correspondent aux besoins et aux difficultés quotidiennes des consommateurs lambda.
L’exemple de produits le plus appropriés est le téléphone portable, accessible à toutes les niches du marché de consommateurs ou presque.
Pour le chercheur, des pays comme le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, etc., ont su exploiter cette niche de l’innovation de rupture dans l’industrie de l’automobile, de l’électronique avec des produits grands publics (Toyota, Samsung, Tata, etc.) pour se hisser progressivement vers les marchés sophistiqués et le développement économique. En Afrique, on cite des secteurs comme Nollywood qui produit en 2019 environ 1 500 films par an, emploie plus d’un million de Nigérians et générerait 3,3 milliards de dollars.
Face à la pauvreté, l’innovation de rupture permet de répondre à la question comment créer la prospérité plutôt que comme traditionnellement comment réduire la pauvreté. Elle permet de créer des emplois pour les plus pauvres et leur donner les moyens financiers et matériels pour faire face à la vie ; leur apprend à pêcher au lieu de leur donner du poisson.
De plus, l’innovation de rupture finance les infrastructures, développe les institutions et réduit la corruption. Ainsi, alors que la corruption est endémique pour l’accès à la téléphonie fixe, la facilité d’accès à la téléphonie mobile a éliminé la corruption dans ce secteur. C’est le développement qui réduit la corruption qui prospère dans une atmosphère de manque.
Lorsque la prospérité d’un pays stagne malgré une activité intense sur son territoire, c’est qu’il ne s’agit peut-être pas d’un problème de développement, mais d’un problème d’innovation.
Quel rôle pour les Etats :
- Mettre en place des politiques qui encouragement à l’entrepreneuriat ;
- Créer et maintenir un écosystème diversifié, dense et vivant, propice à l’innovation ;
- Ne pas contraindre à la création d’emplois nécessairement locaux, on a affaire à des entreprises au marché global ;
- Renforcer les liens entre la recherche publique et l’économie nationale.