LA SPÉCIFICITÉ URBAINE AFRICAINE A L’EPREUVE DE LA LUTTE CONTRE LA PANDÉMIE DU CORONAVIRUS.

COMMENT GÉRER LA BATAILLE CONTRE LA MALADIE DANS UNE ECONOMIE DOMINÉE PAR LE SECTEUR INFORMEL ?

« Au Ghana, le Président NANA AKUFO-ADDO a décrété la fin du confinement à Accra et Kumasi, deux pôles urbains qui concentrent l’essentiel des activités du pays, le dimanche 19 avril 2020, avec 1042 cas positifs, 99 guéris  et 9 décès. En juste trois semaines, le président estime que cette mesure expérimentée dans 70 pays du monde n’est pas adaptée à son pays ».

  • LE MONDE ENTIER EST EN GUERRE CONTRE LE CORONAVIRUS

Etat d’urgence sanitaire, couvre-feu, etc. presque tous les Etats du monde ont proclamé un état d’exception pour prendre les mesures appropriées face à un état de danger exceptionnel. En effet, La maladie du COVID-19, une nouvelle zoonose qui s’est manifestée pour la première fois à Wuhan en Chine, très peu connue, ultra contagieuse et plus meurtrière que la grippe saisonnière, est en train de se propager comme une trainée de poudre à tous les pays du monde entier.

Pour limiter sa propagation très rapide, certains épidémiologistes (experts de la propagation des maladies) suivant des modèles sophistiqués et dont la seule préoccupation est d’arrêter la propagation du virus, recommandent l’arrêt complet des activités économiques sur une période allant de 12 à 18 mois. L’enjeu est de limiter l’afflux des malades qui pourraient paralyser les systèmes de santé peu préparés et augmenter ainsi le nombre de patients et des cas sévères qui ne peuvent être pris en charge, et donc le nombre de décès.

Le théâtre des opérations sont les grandes villes du monde entier, qui sont les épicentres de la maladie et les foyers de propagation de la pandémie. Ce sont aussi les lieux de déploiement de l’essentielles des activités économiques non agricoles ; la production industrielle, les services à hautes valeurs ajoutée et la haute technologie. Ce sont enfin et surtout des lieux de forte  concentration de populations qui favorisent une propagation rapide du virus entre les personnes.

Toutefois, l’arrêt complet des activités aura des conséquences négatives sur la croissance économique et la stabilité sociale dans le monde. Elle causera au mieux une récession économique au pire une grande récession. Ainsi chaque pays selon l’état de son système de santé et le niveau de son économique a pris les mesures qui devraient lui permettent de contrôler la propagation de cette maladie et maintenir le nombre de patients que la capacité d’accueil des hôpitaux peu permettre de prendre ne charge dans les délais les plus courts possibles.

Ces mesures vont de la généralisation des tests de dépistage et la mise en quarantaine des malades (Singapour, Corée du Sud, Taiwan, etc.), au confinement général (Chine, quelques pays européens, etc.), aux mesures de distanciation sociale et aux gestes barrières. Ces mesures sont couplées  au renforcement et à  la réorganisation des systèmes sanitaires.

  • LES MESURES DES PAYS DÉVELOPPES ET ÉMERGENTS

Contrairement aux crises financières ou technologiques (bulle de l’internet), la crise économique issue du covid-19 est causée par l’arrêt de l’activité économique, l’arrêt de l’appareil de production, la désorganisation de l’économie réelle.

C’est une situation que connait la plupart des pays européens où la majorité des travailleurs prend ses congés annuels dans le mois d’août, qui connait alors une forte baisse des activités économiques. Toutefois, l’économie reprend très vite dès la fin des congés. La spécificité de la maladie du coronavirus est que toutes les activités économique non essentielles pour le maintien d’une vie à peu près normale comme la santé, la nourriture, les transports, la propreté, etc. doivent être mis à l’arrêt ou réaménagées grâce au télétravail. L’enjeu pour les Etats et les entreprises est maintenir les conditions d’une reprise rapide à la fin de la maladie tout comme en fin de congés annuels ; c’est-à-dire maintenir une activité minimum, éviter les licenciements, entretenir le matériel de travail, etc..  Cette situation causera au mieux une récession économique sur un mois ou deux mois, mais une grande dépression sur plusieurs mois.

Deux objectifs à concilier : éviter la saturation d’un système de santé performant mais dépendant des approvisionnements en médicaments et en matériel médical de la Chine et de  l’Inde et maintenir l’appareil de production en état de fonctionnement après la crise.

Les licenciements engendrent également des coûts futurs pour les employeurs, une fois que la demande aura repris, les entreprises devront consacrer des ressources précieuses et d’importants coûts de recherche, d’embauche et de formation.

  • LES MESURES DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT DONT L’ECONOMIE EST DOMINÉE PAR LE SECTEUR INFORMEL

Si le théâtre de la guerre contre le covid-19 reste les villes, épicentres de la maladie en Afrique comme partout ailleurs dans le monde, les mesures à prendre en rapport avec la réalité économique sont loin d’être les mêmes. Ces villes sont caractérisées par une quasi inexistence de production industrielle et une prédominance des activités du secteur informel.  En effet, selon le Fonds monétaire International (FMI) le secteur informel représente entre 30 % et 90 % de l’emploi non agricole. Sur une population active de 450 millions, seuls 40 millions occupent un emploi formel en Afrique subsaharienne. Avec pour conséquences, la prolifération d’une habitation précaire ; des études récentes estiment en effet, que 60% des citadins de l’Afrique subsaharienne vivent aujourd’hui dans des bidonvilles et dans des quartiers spontanés sous équipés, ne disposant que d’un faible accès aux services publics de base ;  l’eau et  assainissement, électricité, soins de santé, etc.

Une politique de confinement strict signifie que de nombreuses personnes n’ont soudainement aucun revenu avec peu d’économies ; coiffeurs, commerçants de rue et ambulants, journaliers, serveurs etc. De telles mesures présentent de  grandes menaces pour le bien-être et la survie de la majorité des pauvres avec des  problèmes d’accès à la nourriture. Et, en raison de la restriction de leur liberté, aucun accès aux réseaux de soutien social, y compris les transferts financiers de la diaspora. L’ultime conséquence est une catastrophe humanitaire.

D’ailleurs, ces mesures de confinement appliquées en Afrique du Sud et au Nigéria ont provoqué des émeutes, des pillages de magasins et des morts et blessés dans des affrontements entre la police et des vendeurs ambulants dans une tentative de faire respecter la loi.

Trois objectifs improbables à concilier en Afrique ; limiter le nombre de malades face à un système de santé lui-même convalescent,  éviter la dislocation sociale et maintenir les entreprises du secteur formel en état de fonctionnement après la crise.

La préservation des activités du secteur formel est essentielle. Ce secteur fourni les salaires,  la protection sociale et les ressources fiscales pour les budgets des Etats. Il est aussi à la base de la naissance d’une classe moyenne capable de maintenir et relancer un niveau de consommation à même de faire redémarrer  l’économie.

En plus de la baisse des recettes des Etats du à la diminution des activités du secteur formel, s’ajoute la mévente des produits miniers, de l’industrie floricole et des matières premières agricoles à cause de la baisse du commerce international, de la fermeture des usines de transformation situées en Europe et en Asie et de la réduction de la consommation des produits pétroliers. Cette donc une crise qui interrompt les chaînes d’approvisionnement, accentuant ainsi les risques de pénurie alimentaire dans les pays africains dont les villes sont nourries en grande partie par des importations. Ainsi, les secteurs agricoles d’exportation et du vivrier doivent  être  maintenus à flot par des mesures appropriées sur le continent.

Les mesures appropriées pour faire face à la crise en Afrique semblent être ; le couvre-feu, les mesures de distanciation sociale, la désinfection des marchés et espaces publics et les  gestes barrières. A cela s’ajoute comme partout ailleurs, la création de fonds de solidarité dont un fonds humanitaire et un fonds de soutien du secteur informel. Toutefois, l’approvisionnement de ces fonds n’est pas possible sans l’aide extérieur, la plupart des Etats n’ont pas l’épargne nécessaire pour faire face à ces charges non prévues ni les capacités d’emprunts, le niveau de la dette étant déjà dans la limite du supportable.

Testé par une crise sanitaire mondiale concentrée dans les centres urbains, la structure de  l’économie urbaine africaine dominée par l’informalité, s’est révélée peu performante pour faire face aux impacts de l’épidémie sur l’économie et sur  la société.

Construire une économie résiliente face aux chocs extérieurs requiert une industrialisation rapide du continent. Les exportations sans transformation des produits miniers et agricoles, la prédominance de l’économie informelle, limitent les budgets des Etats et perpétuent la pauvreté et l’insécurité sociale.